Structure d'un blokhaus allemand
Par popeye le mardi, mars 12 2013, 16:51 - Lacanau-Océan - Lien permanent
Quelle fut ma surprise de voir affleurer dans le sable des fers ronds brillants, dans une ambiance où le moindre morceau de fer ou d'acier se couvre de rouille en quelques heures, et disparaît après quelques années.
Le mouvement des marées a creusé le sable de la plage de Lacanau-Océan, dégageant la croûte d'alios sur la plage Nord, et faisant ressortir les derniers vestiges d'un blockhaus allemand détruit à cet emplacement en 2002.
Voici le bunker sur la plage en 2000.
De la démolition sont restés quelques blocs de béton et des ferrailles enfouis dans le sable, posés sur la croûte d'alios.
Mon attention curieuse s'est arrêtée sur une barre de fer brillante, polie par le sable, là où la moindre ferraille est immédiatement rouillée dans l'ambiance maritime.
Cette barre fait partie de vestiges abandonnés lors de la démolition du blockhaus, de toute évidence des armatures du béton. Des armatures en acier inoxydable!
La démolition datant de 2002, ces barres sont restées 12 ans enfouies dans le sable sans être altérées. En fait lors de leur dégagement, les barres sont enfermées dans une gangue noire formant une gaine, elle même oxydée et couverte d'une couche couleur rouille. Une fois dégagée de sa gaine, la barre apparaît nue et brillante.
Ce métal s'avérant magnétique, ce pourrait être un acier inoxydable ferritique à forte teneur en chrome, et sans nickel. J'en ai découpé un morceau à la scie, il n'est pas très dur et la section est très brillante.
Cet acier est ductile, il se plie facilement. Les sections de rupture provoquées lors des explosions de la structure pour sa démolition, présentent une striction importante avant rupture. La section de rupture est très crénelée, signe d'une forte cristallisation.
Quid de la gangue?
La gaine est formée d'une matière noire donnant une coloration tenace. Cette matière est elle aussi magnétique. Ce serait de la magnétite, un oxyde magnétique de formule Fe3O4, ou l'association de l'oxyde ferreux FeO + Fe2O3. Cela expliquerait que la gaine se colore en rouille après son exposition à l'air, faisant apparaitre l'oxyde ferrique hydraté Fe2O3,H2O.
Les armatures n'étant pas altérées, la gaine n'est pas formée par oxydation de la barre, mais résulterait de l'accrétion de magnétite présent en quantité dans le sable de la plage. Rappelons que l'alios fut à l'origine d'une petite industrie métallurgique dans les landes au 19ème siècle.
Je développe là une hypothèse que je souhaite vérifier.
J'ai fait un prélèvement de matière mais je ne suis pas chimiste!
Pour l'histoire, le mur de l'atlantique serait composé de 7000 ouvrages du Danemark au Sud de la France. Dans les Landes, les blokhaus furent implantés sur les dunes, présentant une protection puissante contre les tirs de marine, leurs canons étant orientés vers les plages en défense d'un éventuel débarquement ennemi.
La structure de béton très dur avec armatures d'acier inoxydable semblait assurer à ces constructions une durée de vie de plusieurs centaines d'années. Mais le recul naturel du littoral les a mis à bas en quelques dizaines d'années.
Voilà un tas de rouille transformé en or par la magie de la lumière
Munition:
Durant les investigations du site, j'ai trouvé dans la même gangue noire, genre de grès formé par la cohésion de sable et de ciment ferreux, une cartouche de fusil et une balle. Ces munitions sont des vestiges de la seconde guerre mondiale dont on trouvait de grandes quantités dans les dunes encore dans les années 50.
Dans un premier temps et voyant là un vestige de la présence des forces allemandes, j'avais pensé à une cartouche 7,92 Mauser S (8x57S).
En fait après consultation de sites spécialisés, d'après les dimensions et surtout la forme conique de la douille, il s'agirait d'une cartouche Lebel 8x50R de fabrication française, fabriquée en 1927 comme l'indique le nombre 27 frappé sur le culot.
Sur le site armesfrancaises.free.fr je trouve cette indication qui peut expliquer cette curiosité: Les allemands se servent des exemplaires saisis dans nos arsenaux pour équiper leurs troupes de seconde ligne telles celles du mur de l'Atlantique mais il est plus là pour pallier le manque d'armes que pour une défense efficace.
La douille et la balle sont en cuivre, elles résistent bien à l'oxydation.
La balle est fraisée, les 2 méplats permettant l'alimentation d'armes automatiques. (cf www.armeet passion.com).
Vous pouvez trouver une documentation sur le site Lacanauocean.com
Commentaires
Les cartons de bâtons de rouge à lèvres trouvés dans les dunes étant enfant ressemblent bien aux balles à blanc Mauser vues sur les sites spécialisés! La confusion des couleurs est encore dans ma mémoire.
Très intéressant ! On apprend plein de choses !
Chimiste en herbe !
Superbe sujet !
L'histoire de la gangue m'a fait ressortir mon vieux précis de pédologie à la page "alios". Il est clair que les oxydes de fer jouent bien un rôle dans la cimentation et le durcissement de l'alios cuirassé des Landes (garluche à 10-15% de fer, qui a été exploité en minerai de fer). Mais l'autre caractéristique de l'alios des Landes est que ce ciment est plus généralement humique, formé d'acides et de colloïdes humiques provenant de la décomposition partielle de la matière organique acide. L'aspect noir tachant et certainement tenace est peut être dû à ces composés humiques. Les oxydes de fer sont également présents mais en quantité moindre que dans la garluche et s'oxydent lorsqu'ils sont exposés à l'air.