En 1964, alors étudiant aux Arts et Métiers d'Aix en Provence, j'ai participé aux activités du club de varappe qui m'a permis d'accéder à la pratique de l'alpinisme. Cette expérience fut courte mais intense et riche en émotions et sensations.

A/ La formation:
Les calanques

Les calanques de Marseille avec leurs falaises calcaires offrent un terrain d'entrainement à la varappe privilégié, non loin d'Aix et à cette époque vraiment sauvage. La pratique m'a permis d'approcher les premières sensations de l’escalade, les bonnes techniques et l'équilibre pour économiser ses forces. Mais surtout les pratiques d'assurance, car il ne suffit pas de savoir faire les nœuds.
Sormiou

B/ La mise en jambes:

Les acquis techniques et mon assurance m'ont permis de participer à un stage d'alpinisme dans les Alpes, dans la vallée de Chamonix, en prise directe avec le massif du Mont Blanc, quelle satisfaction.
Nous étions basés aux Houches, au mois de juillet 1965, dans un chalet ouvert aux quatre vents bien adapté pour un stage d'été.
Le premier contact avec le granite fut à l'école d'escalade de Chamonix, un rocher très technique qui, comme la plupart des rochers école, a la particularité d'être poli par les passages successifs, rendant les prises glissantes. Une bonne entrée en matière.
L'école de glace: le glacier des Bossons proche de notre chalet, descendait très bas dans la vallée à cette époque. Il était un terrain d'apprentissage parfait pour commencer l'exercice des crampons sur la glace compacte.

Les Bossons


C/ La montagne:

Puis voilà venu le contact avec cette montagne, en attaquant les aiguilles de Chamonix par des voies classiques et s'adapter à l'altitude avec les premiers 3000 mètres.
Aiguilles

D/ Les grandes classiques:

Mon assurance et la maîtrise des techniques m'ont donné accès rapidement aux courses classiques d'un niveau de difficulté modéré (passages de 3 à 4sup) en tant que chef de cordée, en tête de trois cordées de deux alpinistes.
Je ne m'attendais pas à ce que cette prise de responsabilité me mette face à des situations imprévues qu'il a bien fallu gérer.

Mont Blanc du Tacul:

La marche d'approche depuis la gare du Montenver par la mer de glace est assez longue et délicate avec les grandes crevasses.
L'ascension par l'arête du Mont Blanc du Tacul ne présente pas de difficulté majeure. Elle passe de 3450 mètres d'altitude au départ à 3900 mètre à la sortie. Le mont lui même culmine à 4200 mètres.Piliers Mt Blanc du Tacul

Face aux dangers de la montagne:

L'imprévu se produisit en milieu d'ascension où nous fumes pris dans un nuage tel que nous ne voyions plus qu'à dix mètres.

Nous savions que la sortie de la voie se faisait sur notre gauche vers le glacier en contrebas.
Notre progression ralentie vers 18 heures nous trouvions des anneaux de cordes fixés à un rocher qui nous invitaient à amorcer notre descente. Ne voyant rien en dessous nous nous sommes engagés dans une succession de descentes en rappels d'autant plus lentes que nous êtions six. En fait nous êtions loin du sommet et notre descente fut engagée au milieu des piliers du Tacul (voir photo).
A la tombée du jour, à l'évidence perdus nous avons du nous résoudre à bivouaquer sans équipement, dans une a encoignure de rocher. Après nous être bien encordés, serrés les uns contre les autres, bien décidés à ne pas dormir. En vain, vaincus par la fatigue ce fut le premier rayon de soleil à 5 heures qui nous sortit de notre torpeur. J'ai le souvenir que pour faire circuler le sang dans mes pieds je tapais ma chaussure contre un rocher, jusqu'à réaliser que je tapais sur mon autre pied sans aucune sensation. Il avait fait bien froid mais les gelures furent limitées au bout du nez d'une fille, sans conséquence grave.
La descente se termina par un dernier rappel pendulaire particulièrement long car j'avais du rabouter deux cordes de 60 mètres, la rappel pouvant faire de 40 à 50 mètres. Descendant le dernier j'ai utilisé une assurance personnelle dont je connaissais la technique.
Arrivés sur le glacier nous pouvions commencer notre retour vers Chamonix. Une aventure qui se terminait sans casse.
Glacier sous les piliers